mardi 30 mai 2017

Impacts du web social sur l’avenir de la structure démocratique

Description du milieu

Le Parlement est l’appareil démocratique servent à établir et maintenir les lois pour préserver la paix, l’ordre et le bon gouvernement d’une nation. C’est donc une institution essentielle de l’infrastructure pour la vie en société. Les lois servent à écrire « noir sur blanc » ce qui est accepté et ce qui ne l’est pas par la majorité des gens qui vivent ensemble. Les règlements jouent le même rôle dans une plus petite communauté ou un groupe social.

Le système parlementaire est une démocratie représentative, ce qui signifie que les citoyens choisissent une personne, un(e) député(e), pour les représenter et défendre leur intérêt au sein des délibérations parlementaires. Les députés ont aussi le pouvoir de voter au nom des gens qu’il représente. Il y a cent cinquante ans, compte tenu des moyens de transport et de communication, un système de représentation était une nécessité absolue pour gouverner un territoire de la taille d’un pays.

Les citoyens ont l’occasion de rencontrer les candidats de leur conté électoral durant des débats publics et en privé lors des « porte-à-porte » des candidats qui sonde les gens et les interrogent sur leurs préoccupations et désir de changement. Le candidat qui aura su développer le plus d’affinité avec le plus grand nombre d’électeurs se fera élire député du conté et ira représenter l’ensemble des citoyens de son conté au Parlement pour la durée de cette législature.

Une fois élus, les parlementaires agissent selon leur bonne conscience et adoptent des lois selon le principe de la majorité d’élus votant en faveur et contre l’adoption d’une loi. Si un projet de loi demande un travail d’analyse et de consultation, certains élus seront mandatés pour étudier le projet de loi dans un comité et produiront un rapport qui sera présenté à tous les députés avant que ceux-ci ne votent sur cette loi.

Tous les débats et rapports sont transcrits dans une gazette qui permet au citoyen de s’informer sur les activités du parlement et de leur député pour leur permettre d’interpeler celui-ci ou plutôt de le reconduire aux prochaines élections.

La nécessité des communications, de la confiance et du partage d’idée et de valeur entre les citoyens et leur député, ainsi qu’entre les députés des diverses régions était clairement perceptible il y a 150 ans, mais les moyens de l’époque étaient très limités. Bien des choses ont changé depuis ce temps, notamment l’éducation, les réseaux de télécommunication, l’avènement d’Internet, du web et des réseaux sociaux.

Tendances du web social affectant le domaine politique

Malgré les développements technologiques colossaux des dernières décennies, le système démocratique parlementaire n’a pas subi de transformation structurelle majeure. Plus de députés siègent maintenant qu’au paravent. Les bureaux de contés sont maintenant reliés au réseau des cités parlementaires. Tous les députés ont une adresse de courriel pour échanger avec leurs commettants. L’ensemble des délibérations sont télédiffusées et disponibles en temps réel sur Internet. Mais ce ne sont que des améliorations circonscrites au modèle démocratique d’antan.

Pourtant, il y a bien quelque chose qui change en politique. Prenons par exemple les trois dernières élections nationales américaines. Barack Obama fut nommé, en 2008, le premier homme noir élu Président des États-Unis et, selon plusieurs, grâce à son utilisation des médias et ses 5 millions d’amis Facebook avant l’élection. C’était le début de quelque chose de majeur. Les élections présidentielles qui ont suivies furent portées elles aussi dans le monde numérique.

Les techniques électorales du passé n’étaient plus garanties de succès dorénavant. Alors qu’ Al Gore explique dans son livre La raison assiégée comment il lui avait été démontré qu’il était possible de mesurer financièrement l’investissement en publicité nécessaire pour remporter les élections présidentielles, et donc le montant du financement politique requis à une certaine époque, les plus grands experts analystes politiques n’ont pas su prédire l’élection du controversé personnage à la dernière élection américaine. Une surprise semblable au résultat du vote populaire de la Grande-Bretagne pour la sortie de l’Union européenne qui avait pris le premier ministre et toute la classe médiatique par surprise. Il semble s’être établi une coupure entre la classe politique et le « petit peuple ».

Fait intéressant, Al Gore fut un ardent promotion de l’autoroute de l'information et d’internet. Il a permis de décloisonner Internet des réseaux militaires et universitaire pour l’offrir à tous les citoyens et leur donner un accès libre à l’information. C’est un maillon très important de ce qui a permis tous les développements suivants d’internet et des réseaux sociaux.

Un avancement marquant d’internet qui affect présentement l’exercice du pouvoir est les l’utilisation des blogues par des agents influents d’internet. Les blogueurs sont libres d’offrir leurs opinions sur ce qui les anime et les agaces. Ceci peut rendre très visible et public le mécontentement d’un simple citoyen envers son député. Ce qui restait typique dans le domaine du privé auparavant. Les réseaux sociaux à la Facebook et les microblogues comme Twitter ont amplifié considérablement cette situation, car avec ces plateformes, les gens se trouvent et se relient entre elles pour créer de gigantesques réseaux de communautés virtuelles publiques. Le phénomène a atteint une telle ampleur que ce ne sont plus que les journalistes institutionnels qui dirigent la misent sur l'agenda (agenda setting), mais aussi les tendances fortes sur les médias sociaux.

La classe politique n’est plus sourde à ce qui se dit sur les médias sociaux, car les enjeux sont bien réels et les médias de masse eux aussi sont à l’affut du mécontentement populaire et la grogne. Les médias traditionnels utilisent maintenant les médias sociaux comme source de sujet et d’information, appliquent leurs techniques journalistiques sur ces filons et informent par la suite les citoyens qui consultent les canaux de nouvelles traditionnels sur les enjeux de l’heure discutés sur les différentes plateformes de médias sociaux. Les attachés politiques doivent être en mesure de préparer les députés sur les questions à venir qui émergent de ces réseaux. Il en va de la réputation des députés et de leur parti politique.

En ces temps où l’information n’est qu’une source et où la valeur commerciale et politique se mesure en clics plutôt qu’en dollars, la réputation et l’influence sont le nerf de la guerre. L’argent à lui seul ne peut plus acheter les élections il faut que les gens « suivent » les idées de leur député ou de leur partie pour gagner leur siège au Parlement. La confiance se gagne au fil des relations que l’on entretient et est une denrée périssable qui est facilement gâtée.

Forces et enjeux politiques du web social

Les pouvoirs établis comme infrastructure de la vie en société sont fondés sur les besoins humains qui malgré ce que certains peuvent penser n’évoluent guère. Nous avons essentiellement le besoin suivant :
  1. des besoins physiologiques,
  2. un besoin de protection,
  3. un besoin d’appartenance et d’amour des autres,
  4. un besoin d’estime de soi individuel et d’autrui et
  5. un besoin de s’accomplir.
Les sociétés ont évolué au fil des âges pour établir et distribuer les pouvoirs des sociétés modernes en réponse à ces besoins. Les gouvernements ont le mandat de mettre sur pied des programmes pour encadrer la saine réalisation de ces besoins. Mais pour encadrer ces programmes, certaines institutions ont aussi dû être formées pour gouverner et « balancer » le pouvoir. Si en théorie, un pouvoir central permettait une flexibilité maximale des décisions, l’histoire nous a montré qu'où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie. Le pourvoir est donc typiquement divisé pour prévenir les dérapages et forcer les débats et ainsi être guidé par le bien commun. Les principaux pouvoirs sont schématisés dans le diagramme ci-bas.

Figure 1 - Principaux pouvoirs de société
La direction provient du pouvoir politique qui doit débattre et adopter les lois. Il obtient ses moyens par l’entremise des taxes et impôts, ainsi que du vote des citoyens pour leur légitimité.

L’éthique et le jugement proviennent du pouvoir juridique qui évalue la légitimité et la logique de l’adoption et du respect des lois.

La force de protection elle provient du pouvoir punitif sous la forme des forces armées et des forces policières.

Ces trois forces doivent travailler de concert pour prendre action et offrent donc une protection contre le dérapage unilatéral d’une de ces forces.

Pour prendre les bonnes décisions, toutes les formes de pouvoirs doivent se baser sur des faits et des informations. Comme il est impossible pour chaque individu de chercher et vérifier chaque hypothèse par lui-même, il doit donc utiliser de l’information qui a été créée par autrui. Le pourvoir de la connaissance est lui distribué à différentes instances. Les institutions scientifiques, médiatiques et académiques y jouent ici un rôle central. Les universités et centres de recherche scientifique offrent de nouvelles informations aux différentes instances de la société afin que celles-ci puissent évoluer la société, basée sur nos connaissances actuelles. Les journalistes eux, étudient les faits et gestes de gens qui exerce les autres pouvoirs. Ils sont aux citoyens ce que les scientifiques sont aux politiciens. Ils recherchent, enquêtent, analysent et apportent au public ce que les gens qu’ils ont élus font de leur vote de confiance et du mandat qu’ils leur ont donné de répondre à leur demande.

Trois concepts sont centraux dans ce modèle :
  •  la confiance envers les individus qui nous représentent ou nous servent,
  •  la crédibilité de l’information qu’on utilise pour prendre des décisions et
  •  les moyens nécessaires pour exercer notre rôle et opérer.

Bien que je ne prévoie pas que les gouvernements vont cesser de nous taxer prochainement, je crois que les deux autres concepts subissent présentement une transformation majeure. Je crois que l’évolution des technologies de l’information et l’avènement du web social en particulier, a atteint un point ou le goulot d’étranglement de cout d’accès à l’information a changé de position dans la chaine des valeurs et c’est-ce qui cause le chambardement actuel dans les sphères politiques et médiatiques. Les besoins n’ont pas changé, mais les outils ont déséquilibré la source des coûts monétaire et temporelle du modèle. Les outils web 2.0 ont seulement accéléré ce changement, mais ne l’on pas causé. Nous sommes passés très rapidement, d’un monde où l’information était rare ou cloisonnée dans la tête de quelques experts à un monde où tous ont un accès instantané à la connaissance universelle et à l’opinion de tous, où que l’on soit, du bout de nos doigts.

La transition a démarré il y a fort longtemps, avec l’imprimerie, le téléphone et l’internet. Mais depuis ce dernier jalon, la courbe d’évolution et exponentielle. Lorsqu’il n’y avait que quelque site web avec du contenu relativement statique, il fallait naviguer d’île d’information en île d’information et naviguer dans la structure des sites pour trouver ce que l’on cherchait à savoir. Quand la quantité d’information s’est multipliée et qu’elle devint colossale, les moteurs de recherche ont permis de séparer le bruit et l’information recherchée. Les structures des sites sont devenues abstraites elles aussi derrière une boite de recherche. Et quand toute la connaissance, et la bêtise, humaine ont débarquées sur le web, les gens ont du délégué leur responsabilité de filtrer et d’analyser leur information à leurs « amis » du réseau en qui ils ont confiance et se sentent écoutés.

Le diagramme ci-bas exprime ma vision ce que qui se passe présentement. Les citoyens se réapproprient leur sens de l’éthique et du jugement qu’ils avaient confié aux institutions qui détenaient le réseau des personnes et l’information.


Figure 2 - Démocratisation du pouvoir citoyen

Les citoyens ont maintenant un accès direct à un réseau planétaire d’individus experts et d’amateur dans tous les domaines via les plateformes des réseaux sociaux et des engins de recherche du web. Ils ont également un accès direct et instantané à quasiment toutes les sources d’information planétaire tangible et intangible grâce aux moteurs de recherche, aux médias sociaux et à tous les membres des réseaux sociaux. L’obligation de déléguer son pouvoir décisionnel à un représentant branché n’est plus celle d’autre fois. Le citoyen est maintenant maître de sa destinée et peut lui-même directement influencer une quantité phénoménale de ses semblables avec sa vision du mon à lui.

Ce changement de paradigme entrainera inévitablement des changements quant au mandat et pouvoir des diverses institutions participant au modèle démocratique. Le mandat de la presse et des journalistes n’a pas changé pour le moment, mais subit de fortes pressions de la part des blogueurs influents et des médias sociaux. Mais je crois qu’il est important de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Les journalistes d’investigation ont développé une pratique qui assure une nouvelle juste et fondée alors que les plateformes des blogueurs offrent, elles, un outillage de dissémination de l’information qui réponde au besoin l’heure. Unir le pouvoir et la pratique journalistique avec les outils des blogueurs semble être une solution gagnante. Comme après chaque révolution, je crois qu’il faudra un certain temps avant que chacune ne comprenne son nouveau rôle et que l‘équilibre se réinstalle.

Impacts du web social sur l’avenir de la structure démocratique

L’ensemble des délibérations parlementaire sont déjà diffusées sur le web, mais une nouvelle ère s’amorce. Le Parlement canadien débarque sur les médias sociaux avec le lancement de son site web renouvelé noscommunes.ca. La prochaine année sera surement une année d’apprentissage pour cette institution et pourrait pousser l’expérimentation à aussi exposer les interventions citoyennes et les tendances fortes du web social qui sont des enjeux politiques sur leurs canaux institutionnels. Le dialogue entre parlementaires et citoyen pourra par la suite être institutionnalisé. Les comités parlementaires incluront des études d’opinions directement sur les médias sociaux et autres plateformes numériques.

Au cours des dernières élections, les candidats ont encore fait du porte-à-porte pour se faire connaitre et pour sonder les citoyens sur leurs préoccupations. Je crois que d’ici les élections fédérales de 2019, cette pratique deviendra l’exception et les candidats feront plutôt le tour de leur quartier virtuel.
D’ici les prochains cinq ans, les joueurs auront mieux défini leur nouveau rôle et la compétition entre les blogueurs et les journalistes ne sera plus palpable, mais plutôt symbiotique. D’ici là l’agenda setting devrait appartenir au peuple et n’être respecté par les institutions politiques et médiatiques. Les professionnels de l’information auront accepté de discuter avec les amateurs et un échange constructifs permettre enfin l’épanouissement du web sémantique.

Afin que les citoyens utilisent judicieusement les pouvoirs qui revendiquent, les institutions académiques auront fait le choix d’enseigner aux étudiants la capacité de jugement et le sens critique plutôt que d’enseigner des connaissances déjà explicites. Les hyperliens alors remplaceront l’utilisation des références dans les ouvrages éducatifs.

La prochaine génération devra attaquer la transformation du passage de l’information privé à l’information publique. La définition de ce qu’est la vie privée sera probablement revue, mais les incidences de ce changement resteront un défi pour cette génération et la suivante.

Cette génération sera par la suite en mesure d’établir un pont entre les identités virtuelles et l’identité réelle d’une personne pour transposer des responsabilités juridiques du monde réel dans ses échanges numériques, ce qui devrait faciliter le partage et les échanges inter culture et l’appréciation du multiculturalisme.

Mes enfants verront peut-être naitre un gouvernement et un tribunal international qui aura l’autorité nécessaire pour protéger leurs intérêts sur le territoire internet, qui sait?

1 commentaire:

  1. Peut-être que moi aussi je verrai l'apparition d'une authoritée sur internet!? http://www.lapresse.ca/techno/internet/201706/08/01-5105504-pour-confondre-les-cyberpirates-des-experts-proposent-une-ong-internationale.php

    RépondreEffacer